Le Huitième Livre de Vésale - Jordi Llobregat

Auteur : Jordi Llobregat
Edition : Le Cherche Midi
Genre : Esotérisque
Date de parution : 2016
Pages : 618


"Le vieil homme, qui fouillait la nuit des yeux pour la troisième fois, grommela un juron entre ses dents. Le silence l'environnait, que seul brisait le clapotis des vagues contre la coque."

Synopsis :
 Barcelone, 1888. Quelques jours avant l’ouverture de l’Exposition Universelle, Daniel Amat, un jeune professeur d’Oxford, est de retour dans sa ville natale pour assister aux funérailles de son père. Il y apprend que ce dernier, médecin dans les quartiers pauvres de la ville, enquêtait sur les meurtres mystérieux de jeunes ouvrières. Leurs blessures rappelant étrangement un ancien fléau ayant sévi il y a bien longtemps, la ville est la proie de toutes les superstitions.
À l’aide d’un journaliste et d’un étudiant en médecine, Daniel reprend les investigations et découvre bientôt que les crimes sont liés à un mystérieux manuscrit, œuvre d’un anatomiste du XVIe siècle, Vésale. C’est dans les galeries de tunnels souterrains qui courent sous la ville que Daniel mettra à jour l’incroyable secret qui hante Barcelone.





Ce que j'en ai pensé :

J'ai découvert ce livre lorsqu'il était dans la liste de la masse critique de Babelio. J'avais été très sensible à la couverture de ce livre et le synopsis a fini de me convaincre. Lorsque je l'ai vu dans ma librairie, je n'ai pas pu résister.

Bien m'en a pris, ce livre est vraiment excellent. Très bien construit, l'auteur nous emmène sur de fausses pistes et dévoile de temps en temps quelques indices très bien dosés qui éveillent notre curiosité. Jordi Llobregat, prend son temps pour écrire une histoire à la limite du fantastique en étant toujours borderline mais se rattrape toujours avec brio.

L'auteur nous fait donc découvrir les rues de Barcelone en 1888 : insalubrité, insécurité, crise ouvrière, bourgeoisie, à bord de fiacres, de berceaux, au rythme du bruit des sabots des chevaux sur les pavés. La nuit ces rues n'ont rien de féérique, la brume se lève dans le halo des premiers lampadaires électriques où se cache la bête. Immersion dans un autre siècle garantie. Jordi Llobregat nous plonge dans une ville à deux visages : la ville en pleine frénésie pendant la préparation de l'exposition universelle le jour et la nuit, le calme, le secret, l'étrange. C'est assez déroutant d'osciller entre les deux faces de cette magnifique ville.

Mais ces deux faces, ces deux visages ne s'appliquent pas seulement à la très belle ville de Barcelone mais également aux personnages évoluant dans cette ville. On découvre rapidement que chacun  a son propre secret, son propre démon à combattre. On extrapole, on, suppute, on essaye de savoir mais voilà quels rebondissements lorsqu'enfin on connait leurs secrets. Voici bien longtemps qu'un livre ne m'avait pas étonné autant.

Je ne peux pas passer également à côté de la mise en avant de la place de la femme au XIXème siècle dans la bourgeoisie en Europe. La femme éduquée à savoir coudre, tenir une maison, chanter et jouer un instrument de musique. L'auteur a très intelligemment mis en avant les stéréotypes de l'époque avec beaucoup de tact mais ça ne passe pas inaperçu.

Je ne veux pas trop vous en dire, pour ne pas gâcher votre plaisir, mais si vous voulez être embarqués, n'hésitez pas. A quand un prochain roman...

Citations :

"Vous êtes mariés ? [...] Vous en avez de la chance. Les femmes ne sont sur terre que pour vous causer du souci mon ami ; il faut toujours supporter leurs changements d'humeur, leurs caprices... Elles restent des gamines, faibles de caractère et d'esprit, et incapables de survivre sans la protection d'un homme. Que deviendraient-elles sans nous, je vous le demande ?"

"Personne n'osait toucher le corps. La marée l'avait rapporté pendant la nuit et des pêcheurs l'avaient découvert au point du jour en rentrant au port. L'un des plus jeunes s'était même demandé si ce n'était pas une sirène échouée sur la grève. La mer l'avait couverte de coquillages et de galets, sculptant des formes marines sur sa peau. Quelques algues s'enroulaient autour de ses yeux clos et ses lèvres esquissaient un sourire. Elle semblait endormie sur le sable boueux de la plage de la Barceloneta."


Petits bonus (source wikipedia) :

Exposition universelle de 1888

L'inauguration officielle a lieu le à 16 heures. Elle est présidée par le roi Alphonse XIII d'Espagne alors âgé de 2 ans en la présence de la reine régente Marie-Christine de Habsbourg-Lorraine et de la princesse des Asturies Marie de la Mercè d'Espagne, de l'infante Marie Thérèse, du président du conseil des ministres Práxedes Mateo Sagasta, et du maire de Barcelone Francesc Rius i Taulet.

On considère que l'organisation de l'Exposition universelle de 1888 reflète les bonnes relations entre la monarchie et la bourgeoisie industrielle catalane qui avait appuyé le retour à la monarchie afin d'obtenir une paix sociale favorable au développement économique.

Cette époque marque l'apogée des Expositions universelles dont la première a été inaugurée à Londres en  1851. Ce sont alors des évènements majeurs sur les plans politiques, économiques et sociaux où chaque pays peut exposer ses avancées technologiques, montrer son potentiel économique et industriel. Organiser une telle Exposition est une opportunité de développement économique pour la ville qui l'accueille et qui bénéficie d'un grand rayonnement international.

Bien que les activités de l'Exposition se soient déroulées à l'intérieur de l'enceinte, l'Exposition contribue à l'amélioration de Barcelone en général. D'une part l'événement permit de terminer les travaux commencés longtemps avant et restés en chantier, et d'autre part l'Exposition fut l'occasion de développer de nouvelles infrastructures et services, à la fois pour améliorer la vie des habitants mais aussi pour donner une image moderne de la ville aux visiteurs de l'Exposition.
Parmi ces travaux, l'urbanisation du parc de la citadelle, lieu où se déroule l'Exposition, fut transformé en parc. C'est désormais le plus grand de la ville. Le quartier de la Ribera attenant bénéficie également de ces urbanisations. La façade maritime profite également de ces travaux avec la construction et l'aménagement du passeig Colomb et la construction d'un nouveau quai : l'actuel moll de la fusta. Le passeig Colomb accueille le la célèbre statue du navigateur qui compte parmi les emblèmes de la ville. En face de la statue, s'installent les premières embarcations destinées aux circuits touristiques maritimes.
Les investissements dans le secteur hôtelier ont pour conséquence la construction de « l'hôtel international » signé par l'architecte Lluís Domènech i Montaner. Il est construit sur un terrain gagné sur la mer dans le temps record de 69 jours. L'édifice temporaire de trois étages pouvait accueillir 2 000 personnes fut détruit après avoir rempli sa fonction.
Le « palais des beaux arts » fut construit par August Font et servit pour inaugurer l'Exposition et recevoir la famille royale. Il servit pour des expositions artistiques des concerts et des évènements culturels d'obédience catalaniste jusqu'à sa fermeture en 1942.
Enfin, l'éclairage électrique fait son apparition dans Barcelone en éclairant la Rambla, le Passeig Colom, la Place Sant Jaume et la zone de l'Exposition.

André Vésale

André Vésale (Bruxelles, - Zakynthos, ) est un anatomiste et médecin brabançon, considéré par de nombreux historiens des sciences comme le plus grand anatomiste de la Renaissance, voire le plus grand de l’histoire de la médecine. Ses travaux, outre qu’ils ont fait entrer l’anatomie dans la modernité, mettront fin aux dogmes du galénisme qui bloquaient l’évolution scientifique depuis plus de mille ans aussi bien en Europe que dans le monde islamique.

En 1543, après quatre ans de travaux incessants, il publie ses découvertes à Bâle dans De humani corporis fabrica libri septem (La Structure Du Corps Humain), couramment appelé la Fabrica et dédiée à Charles Quint. Cette œuvre monumentale sur l’anatomie humaine, en sept livres, près de 700 pages, est abondamment illustrée.

Ce travail souligne l’importance de la dissection et de ce que l'on appelle une vue « anatomique » du corps – le fait de voir l'intérieur du corps comme un ensemble d'organes regroupés par systèmes (ostéologie par exemple). Ce livre offre un contraste frappant avec un grand nombre de modèles anatomiques utilisés précédemment, qui présentaient de nombreux éléments tirés de Galien ou d’Aristote, ainsi que des éléments d’astrologie.

Il faut toutefois remarquer que l'anatomie de Vésale est essentiellement descriptive et donc peu utilisable par les chirurgiens. Il faut attendre un peu pour que l'anatomie devienne tissulaire avec Malpighi, topographique avec Winslow et Douglas, et pathologique avec Morgani. Mais avec La Fabrica, la graine est plantée et, parmi d’autres médecins de l’époque, Ambroise Paré reconnaît avoir largement puisé dans l’ouvrage de Vésale pour ses travaux. En même temps que la Fabrica, Vésale publie son Epitome ou Résumé à l'usage des étudiants. À la suite de la parution de la Fabrica, Vésale devient médecin de Charles Quint et abandonne la chaire de Padoue. Les attaques contre ses ouvrages l'amèneront à brûler ses manuscrits et ses travaux en cours.



Le mot de la fin :

Un livre mené d'une main de maitre, pour un premier roman c'est étonnant. Une avalanche de secrets,
de rebondissements, on ne s'ennuie pas une minute dans les rues de Barcelone en 1888. Je le conseille fortement si vous aimez le mixte entre Jack l'Eventreur, Docteur Jekyll et Mister Hide, et ... non chut, j'en ai déjà trop dit...

***


Commentaires

  1. Ta chronique me donne bien envie de lire ce livre !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'espère qu'il te plaira autant qu'il ma séduite.

      Supprimer
  2. Tu as vraiment bien fait de m'envoyer un mail! Merci, merci! J'arrive chez toi et je découvre ce roman espagnol! Je le note tout de suite pour le lire en VO. Je vais me le procurer, il me tente bien!

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés